Le commissaire Marc Jeanson, botaniste au Muséum national d’histoire naturelle, et Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou, l’exposition ont rassemblé pour l’exposition plus de soixante artistes contemporains. Des œuvres de David Hockney réalisées sur iPad aux installations de Julian Charrière, en passant par les photographies de Brassaï prises au jardin exotique de Monaco dans les années 1930, la manifestation révèle la fascinante capacité du cactus à inspirer les créateurs.

Cette convergence artistique n’est pas fortuite, comme le chantait Jacques Dutronc dans sa chanson éponyme : « Le monde entier est un cactus », – malencontreusement diffusée dans les toilettes ! Quand le chanteur proclamait, en 1966, que « le monde entier est un cactus », il formulait une vision prémonitoire d’un monde devenu hostile, piquant, mais non dépourvu de beauté. L’exposition, au-delà de l’aspect anecdotique, montre comment les artistes contemporains se sont approprié cette figure pour exprimer les tensions de notre époque : la violence des frontières, la fragilité des écosystèmes, mais aussi la capacité d’adaptation et la beauté inattendue qui peut naître de l’adversité.
Cette métaphore, que l’exposition explore avec finesse, résonne particulièrement à notre époque marquée par l’urgence climatique et la nécessité de repenser notre relation au vivant.
L’esthétique de la survie
Les cactus incarnent aussi un paradoxe fascinant : symboles d’aridité et de dépouillement, ils ont développé des stratégies de survie d’une sophistication extrême. Leurs formes géométriques parfaites, leurs couleurs sourdes ou éclatantes, leurs architectures extravagantes fascinent artistes et scientifiques depuis des siècles.
L’exposition montre comment ces « chefs-d’œuvre d’adaptation », selon les termes des commissaires, ont bouleversé notre perception du végétal dès leur arrivée en Europe. Des premières gravures botaniques du XVIe siècle aux créations contemporaines, le cactus traverse l’histoire de l’art comme une figure transgressive.
Philosophie de l’épine
Au-delà de l’esthétique, le cactus interroge notre condition contemporaine. Dans un monde confronté à une aridification croissante, ces végétaux « réservoirs » incarnent une alliance entre sobriété et créativité. Leur capacité à thésauriser l’eau, à transformer la contrainte en beauté, en fait de puissantes métaphores de la résilience.
L’artiste Ali Cherri, dont les œuvres sont présentées dans l’exposition, emprisonne des raquettes de cactus dans la résine pour témoigner d’un monde fragmenté par les pandémies végétales. Les photographes Cristina de Middel et Ziad Antar utilisent, quant à eux, les épines pour illustrer les tensions frontalières contemporaines.
Un jardin philosophique
L’exposition ne se contente pas d’exposer : elle pense. En transformant les jardins de la villa Sauber en spectaculaire collection de cactées grâce au concours du jardin exotique de Monaco, elle crée un parcours immersif où l’art dialogue avec le vivant.
Cette dimension expérientielle révèle l’ambition du projet qui fait du cactus le miroir de nos questionnements actuels. Comment habiter un monde plus aride ? Comment transformer la contrainte en beauté ? Comment cultiver la patience dans l’urgence ?
Monaco, laboratoire culturel
En accueillant cette exposition, Monaco confirme sa volonté de se positionner comme un laboratoire culturel méditerranéen. Le choix du cactus n’est pas innocent dans une principauté qui a fait du jardin exotique l’un de ses emblèmes depuis 1933.
Cette exposition, accessible pour 6 euros (gratuite pour les moins de 26 ans), témoigne d’une ambition démocratique rare dans le paysage muséal monégasque. Elle s’inscrit dans une programmation qui n’hésite plus à questionner les enjeux contemporains à travers l’art et la science.
« Cactus » révèle ainsi comment une plante apparemment simple peut devenir le prisme d’une réflexion complexe sur notre époque. Entre art et botanique, entre local et universel, l’exposition dessine les contours d’une esthétique de la résistance parfaitement adaptée à notre temps.
Cactus
Nouveau Musée national de Monaco – Villa Sauber
Jusqu’au 11 janvier 2026
17, avenue Princesse-Grace, Monaco
Tous les jours de 10 heures à 18 heures (11 heures-19 heures en juillet-août)
Entrée : 6 €, gratuit pour les moins de 26 ans
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