Non classé 11 juillet 2025

L’exposition Chanel de Monaco mise sur l’interdisciplinarité

by La Rédaction

Le Nouveau Musée national de Monaco consacre sa programmation estivale aux « Années folles de Coco Chanel »,et privilégie le dialogue entre mode et arts plastiques.

Un parti-pris transdisciplinaire

 

Jusqu’au 5 octobre, la Villa Paloma présente « Les Années folles de Coco Chanel », une exposition de 200 objets, organisée autour de trois axes thématiques : la vie en plein air et les loisirs balnéaires, les Ballets russes et l’influence slave, l’invention du « style Riviera ». Sous le commissariat de Célia Bernasconi, le parcours confronte trente modèles et accessoires de Gabrielle Chanel à quarante œuvres d’artistes modernes.

Cette méthode diffère de celle adoptée par le Palais Galliera d’ octobre 2020- à juillet 2021 avec  « Gabrielle Chanel. Manifeste de mode » . Cette expositio proposait une approche chronologique classique. À Monaco, bien différemment, les créations de la couturière côtoient les toiles de Kees Van Dongen, Pablo Picasso, Marie Laurencin ou Natalia Gontcharova, ainsi que les photographies de Man Ray et Edward Steichen.

Le dialogue Chanel-Delaunay documenté

 

Cette exposition établit pour la première fois les liens entre Gabrielle Chanel et Sonia Delaunay. Si leur rencontre directe n’est pas attestée, les deux femmes évoluaient dans l’entourage de Serge Diaghilev, et partageaient un intérêt pour les tissus imprimés aux motifs abstraits.

Sonia Delaunay avait créé des costumes pour la Cléopâtre de Diaghilev avant de fonder Casa Sonia à Madrid en 1918. Elle développait avec le poète géorgien Ilia Zdanevitch ses « tissus simultanés »  qui ont notamment été présentés lors de l’Exposition des arts décoratifs de 1925 dans sa « Boutique simultanée ».

Les archives révèlent aussi qu’en 1927 Chanel recrute Iliazd comme dessinateur textile qui devient le directeur de création de son usine d’Asnières, rebaptisée « Tricots Chanel ». Cette collaboration de six années introduit dans les collections Chanel les recherches graphiques de l’avant-garde, comme l’illustre une pochette de jour de 1928-1929 aux motifs géométriques colorés.

L’ancrage territorial de la création

 

Le parcours adopté pour cette mise en scène souligne le rôle de la Côte d’Azur dans l’élaboration du style Chanel. Dès 1914, la couturière ouvre une boutique à l’hôtel Hermitage de Monte-Carlo. Elle fait construire en 1928 sa villa La Pausa à Roquebrune-Cap-Martin, qui devient un laboratoire pour l’invention du « style Riviera ».

Les photographies d’époque montrent Chanel dans ce cadre méditerranéen où elle adopte le style décontracté – marinière, pantalon, cheveux courts, colliers de perles – qui caractérisera ses créations. Cette approche territoriale permet de comprendre l’émergence de la « femme nouvelle » : une femme moderne, libre et sportive.

L’exposition documente également les liens de Chanel avec les Ballets russes installés à Monaco après 1918. En 1922, elle lance sa « collection russe », en réinterprétant les éléments du vestiaire traditionnel russe et intégrant les broderies réalisées par la Grande-Duchesse Maria Pavlovna.

Une intervention artistique contemporaine

 

Et, en parallèle, l’artiste contemporaine Chloé Royer présente « Of Limbs and Other Things », un corpus de vingt pièces explorant les processus de métamorphose du corps féminin. Quatre œuvres en bronze, verre et céramique ont été spécialement créées pour l’exposition. Ses sculptures, qui détournent des prototypes de chaussures, interrogent la relation entre corps et vêtement.

Bilan nuancé

 

Si l’exposition apporte des éclairages inédits sur les échanges artistiques des années 1920, notamment avec le dialogue Chanel-Delaunay, elle peine parfois à justifier certains rapprochements. La confrontation entre mode et arts plastiques, bien qu’intellectuellement stimulante, manque de cohérence dans plusieurs sections.

Le catalogue publié par Hatje Cantz, qui rassemble des contributions d’historiens de la mode et de l’art (Célia Bernasconi, Bronwyn Cosgrave, Oriole Cullen, Laurence Delamare, Amy De la Haye, Waleria Dorogova), constitue un complément documentaire utile, plus particulièrement pour l’analyse du « style Riviera ».

L’approche territoriale et transdisciplinaire du Nouveau Musée national de Monaco propose une alternative aux rétrospectives chronologiques traditionnelles. Elle démontre que l’œuvre de Chanel peut encore faire l’objet de nouveaux éclairages, à condition d’accepter une certaine dispersion thématique.