Conseil National, Monaco, News, Politique 11 juillet 2025

Monaco : L’interminable saga du traitement des déchets

by La Rédaction

Le 10 juillet 2025, deux communiqués de presse aux tonalités diamétralement opposées ont ébranlé la scène politique monégasque. D’un côté, le Gouvernement annonce sa décision de maintenir le traitement des déchets sur le territoire, de l’autre, le Conseil National dénonce avec virulence cette « communication inappropriée » et menace de bloquer le budget.

Monaco : L’interminable saga du traitement des déchet

Derrière cette joute institutionnelle se cache l’un des dossiers les plus coûteux et controversés de la Principauté.

Une histoire qui dure depuis vingt ans

Le projet de construction d’une nouvelle usine de traitement des déchets hante Monaco depuis le début des années 2000. L’actuelle installation, la troisième du nom, qui a été mise en service en 1980, arrive en fin de vie. Pour la maintenir en activité jusqu’en 2030, la Principauté , depuis 2018, a déjà investi 42 millions d’euros. Mais cette solution n’est qu’un palliatif face à l’urgence du remplacement.

Le projet « Symbiose » devait être la solution miracle. Présenté aux élus en novembre 2021 après moins d’un an d’études, il a rapidement viré au cauchemar financier. De 655 millions d’euros en 2023, le devis a explosé à plus d’un milliard et demi d’euros en 2024, soit un surcoût de plus de 130 %. Cette dérive s’explique notamment par un astronomique coût à la tonne de 1 111 euros, contre 124 euros en France.

La comparaison avec d’autres infrastructures françaises s’avère édifiante. La station d’épuration Haliotis 2 de Nice, la plus grande de France, coûte 700 millions d’euros. Comment justifier qu’une usine de traitement des déchets pour une principauté de 2 km² nécessite plus du double de cette somme ?

Positions qui apparait inconciliables

 

Face à cette escalade budgétaire, le Gouvernement et le Conseil National campent sur des positions irréconciliables. Dans son communiqué, l’exécutif monégasque invoque une expertise en droit européen qui démontrerait que l’externalisation vers la France ou l’Italie présente des « risques juridiques importants ». Cette argumentation juridique se double d’un discours sur la souveraineté. Maintenir « une capacité minimale de traitement des déchets afin de garantit l’autonomie de la Principauté ».

Le Gouvernement met également en avant les avantages énergétiques du modèle actuel.

Le quartier de Fontvieille tire 95 % de sa chaleur, 30 % de son froid et une part de son électricité de la valorisation des déchets. Supprimer cette capacité reviendrait selon lui à « remettre en cause un équilibre construit depuis des décennies ». La solution retenue consiste donc en une démolition-reconstruction, sur le site actuel de Fontvieille, d’une nouvelle Unité de Valorisation Énergétique.

Thomas Brezzo, président du Conseil National, ne décolère pas. Il dénonce d’abord le timing de cette annonce, « particulièrement inopportune, à moins de deux semaines de l’arrivée d’un nouveau Ministre d’État ». Plus fondamentalement, il pointe les contradictions flagrantes du Gouvernement. Hier, Symbiose était présenté comme « LA SEULE solution réalisable » et la reconstruction sur site comme « impossible ». Aujourd’hui, la donne s’inverse totalement.

L’élu fustige également l’opacité gouvernementale. « Malgré les demandes répétées du Conseil National depuis plusieurs mois, le Gouvernement n’a toujours pas communiqué les études sur lesquelles il s’appuie », dénonce-t-il. Cette absence de transparence nourrit la méfiance et pousse le Conseil National à la menace ultime : le blocage budgétaire. « Nous ne serons pas en mesure d’adopter les lois de budget qui intègrent la reconstruction de l’usine », prévient Thomas Brezzo.

L’héritage de Didier Guillaume

 

Cette crise s’inscrit dans un contexte de transition politique majeure. Avant son décès à la mi-janvier 2025, le ministre d’État Didier Guillaume avait amorcé des discussions avec les autorités françaises pour explorer l’externalisation du traitement des déchets monégasques.

Cette alternative au projet Symbiose, jugé trop coûteux par le Conseil national, a été interrompue par sa disparition. L’arrivée imminente de Christophe Mirmand le 21 juillet 2025 comme nouveau Ministre d’État pourrait-elle permettre de sortir de cette impasse ?

Une crise aux multiples facettes

 

Cette affaire révèle plusieurs problématiques structurelles qui dépassent la seule question du traitement des déchets. Sur le plan financier, des dizaines de millions d’euros ont été dépensés en pure perte pour le projet Symbiose au final abandonné. Cette gabegie interroge sur les mécanismes de contrôle des finances publiques dans la Principauté.

La dimension institutionnelle est tout aussi préoccupante. La rupture de confiance entre l’exécutif et le législatif monégasque paralyse la prise de décision sur des sujets majeurs. De plus, les contraintes techniques dissimulées, comme la nécessité de déplacer plus de 200 caveaux du cimetière, témoignent d’une gestion approximative des dossiers complexes.

Ce bras de fer entre le Gouvernement et le Conseil National traduit une crise institutionnelle profonde, car les questions de transparence, de gouvernance et de gestion des finances publiques occupent au cœur des débats. Désormais, l’enjeu dépasse la seule question du traitement des déchets pour interroger les mécanismes de décision publique dans la Principauté. L’arrivée du nouveau Ministre d’État sera-t-elle l’occasion d’une nécessaire remise à plat de ce dossier empoisonné ?