Environnement, Monaco 15 juin 2022

Au coeur des zoonoses part 2

by Albane Cousin

Le pangolin et la chauve-souris ont propulsé les zoonoses sur le devant de la scène mondiale. Maladies ou infections transmises des animaux vertébrés à l’homme, et inversement, leurs pathogènes peuvent être des virus, des bactéries, des parasites, des champignons ou des prions,  La transmission se fait directement par contact, indirectement par voie alimentaire. Et l’acteur central pour l’étude et la lutte contre ces pathologies est le vétérinaire. Le docteur Perrin, directeur du Syndicat National des Vétérinaires d’Exercice Libéral (SNEVL) explique cette mission.

« Chaque vétérinaire a ce qu’on appelle un mandat sanitaire. C’est une mission d’interêt public qui selon la spécialité de celui-ci, passe par la surveillance de la propagation de maladies à caractère obligatoire ou celle des troupeau ovin, bovin, caprin à qui des analyses sont faites une fois par an » explique-t’il. Les vétérinaires s’occupent de cette veille sanitaire au niveau des animaux domestiques. On dénombre 18000 vétérinaires sur tout le territoire français,  et 6000 cabinets cliniques . Quand un particulier amène un cadavre d’animal, il est envoyé à un LDA qui enverra les analyses et conclusions de première intention à un laboratoire LNR( laboratoires nationaux de référence). Ils sont en communication direct avec l’Anses. En île de France, celui-ci se trouve au sein de l’École Vétérinaire de Maisons Alfort.

« En plus des veilles d’animaux qui sont dans le bois de Vincennes, et des recherches faites sur certaines maladies comme les coronavirus, nous récupérons les animaux perquisitionnés » explique Alexis Lécu, directeur scientifique et vétérinaire du Parc zoologique de Vincennes. La douane, essentiellement celle de Roissy, leur envoie le plus souvent des singes. Le service vétérinaire effectue alors une série de tests et rappelle les autorités pour les prévenir si l’animal est porteur d’une maladie potentiellement transmissible. « Cela avait été le cas lors de la saisi d’un singe Magot qui avait atterrie dans 2-3 commissariats, la fourrière n’en voulait pas et ils nous ont finalement appelé». Tout ceci est chapeauté par la DDPP ( Direction Départementale Protection des Populations). Leur compétences sont mis au service de la recherche lors d’étude ponctuel réalisé en partenariat avec l’Anses ou l’Institut Pasteur, sur la tuberculose par exemple.

Le manque de moyens rend les missions de veille difficiles et parfois même incertaines pour l’avenir. « Le Laboratoire Régional de Suivi de la Faune Sauvage (LRSFS) est le seul laboratoire public de diagnostic vétérinaire en Île de France. Le suivi actuel des maladies animales infectieuses montre qu’il existe un risque de développement ou de résurgence des zoonoses.  En 2020, après avoir sollicités les départements sans succés, Karim Daoud appela l’attention du Président de la République sur le futur  de ce laboratoire:  » La trésorerie ne permettait pas de faire fonctionner le laboratoire , et le condamnait à sa fermeture».  Il manquait alors 50 000 euros.

Gilles Salvat, Directeur Général Délégué Recherche et Référence et Directeur de la santé animale et du bien-être des animaux, a répondu à la question  » Que feraient-ils si le laboratoire venait à fermer? – Les principaux clients sont les élevages, il n’ y a pas un marché pour l’analyse des animaux en île de France, il n’ y a pas lieu de doubler les compétences quand il y en a beaucoup autour de soi ».

Le parc zoologique de Vincennes rencontre aussi certaines situations où les fonds nécessaires ne leurs sont pas octroyés. « Quand nous effectuons des analyses sur un animal réquisitionné, les coûts se facturent à plusieurs milliers d’euros. Les frais ne nous sont généralement pas remboursés » explique Alexis Lécu. La seule alternative est la procédure judiciaire avec le remboursement des frais de justice. La seule fois où cela a abouti date de 1993. Autre bémol, les données ne sont pas mises en ligne et visibles par tous en Île de France.  » Dans la Creuse, par exemple, toutes les données sont sur une même plateforme, et peuvent être visibles à n’importe quel moment par tous les acteurs » explique Stephane Quinio membre du réseau SAGIR.

L’importance de ces acteurs a été mise en avant lors du One Planet Summit le 11 janvier 2021 avec l’initiative du projet PREZODE. Il consiste en la prévention de risques d’émergence zoologiques et de pandémie. Sa coordination est supervisée par l’INRAE, le Cirad et l’IRD. Le vice directeur de l’INRAE Jean François Soussana précise « Nous n’en sommes qu’aux prémices de ce projet il est co-construit au niveau international et démarrera réellement en 2022. L’ objectif est de faire un réseau de surveillance au niveau international». Pour Gilles Salvat, «  tous les acteurs participeront indirectement. Nous centraliserons tout au niveau de l’Anses. Nous ferons en sorte d’avoir un système informatique optimal et des données lisibles par tous »

Depuis l’antiquité le nombre des zoonoses est en constante progression. Surtout depuis l’époque dite contemporaine (XIX ème siècle-XXI ème siècle) qui a connu un quintuplement de celles-ci. Cela est dû aux phénomènes d’urbanisation, le mouvement des populations, les pratiques agricoles, les changements climatiques, et les modifications des échanges, selon l’étude Zoonoses au plan mondial, enjeux et perspectives d’ Hélène Chardon et Hubert Brugère, publiée dans « Viandes et produits carnés », paru en novembre 2017. Plusieurs maladies sont reconnues comme des maladies à déclaration obligatoire par la DDPP, comme la rage et la tuberculose. Karim Daoud précise «Nous avons beaucoup de cas de Salmonellose, transmise par les pigeons parisiens. Ces bactéries vivent sous la peau des volatiles, et provoquent des allergies ». La leptospirose fait aussi l’objet de surveillance par LRSFS, et d’études effectuées par le zoo de Vincennes en collaboration avec l’Anses. « Il suffit qu’un rat urine sur des caisses de canettes posées par terre dans une cours, les canettes sont servies dans le restaurant, un enfant se frotte le visage et l’attrape. » renchérit Karim Daoud. Les conséquences peuvent être dramatiques, et entraîner une hémorragie au niveau des reins . La veille constante va de ces maladies jusqu’à celle transmise par les moustiques tigres,  et permettent de contrer d’éventuelles épidémies.

Karim Daoud, le regard vers l’horizon, laisse échapper une bouffée de fumée. Le ciel est gris et le froid glace les os. Il espère trouver des financements grâce aux projets sur les abeilles. Georges De Noni et lui continuent la bataille, et résistent.  Mais, si l’année prochaine ils ne se débrouillent pas pour équilibrer la situation sanitaire du laboratoire, ils arrêteront.