Monaco, Politique 16 mai 2020

Covid-19: Enjeux et limites des tests

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La gestion du Covid-19  est politiquement délicate. Elle nécessite de coordonner une situation complexe à plusieurs niveaux. Le Gouvernement princier, a choisi d’agir. Didier Gamerdinger, conseiller et ministre  des Affaires sociales et de la Santé a détaillé les choix du gouvernement en matière de tests de dépistage, et leur mise en oeuvre.

Conformément à la recommandation de l’OMS qui a demandé aux États de « tester, tester, tester ».pour combattre le virus, le Conseil National a demandé d’organiser une campagne de dépistage. Pourtant des scientifiques y sont parfois opposés. En France le seul test fiable recommandé pour le dépistage du coronavirus est le test virologique par PCR (dans le nez). Le test sérologique dans le sang est toujours en cours d’évaluation tout comme les tests salivaires et à détection rapide.

De plus le virus semble être mutable, et présente des différenciations de nature à rendre les résultats difficilement interprétables. Pour  Jean-François Delfraissy, président du Conseil scientifique Covid-19, l’avis de l’OMS pose problème, « Ce n’est pas envisageable et surtout cela n’a pas d’utilité. Il faudrait re-tester tout le monde 8 jours plus tard et re-tester encore 15 jours plus tard ».

Actuellement trois types de tests dépistages existent. Considéré comme la méthode la plus fiable, les tests « virologique » ou « PCR » (« polymerase chain reaction ») sont utilisés en France depuis le début de l’épidémie. Il s’agit d’un prélèvement naso-pharyngé (gorge, nez, nasopharynx) effectué à l’aide d’un petit écouvillon (goupillon) inséré dans le nez. Nécessairement  réalisé par un médecin ou une infirmière, l’échantillon est ensuite analysé par un laboratoire spécialisé afin de rechercher la présence du matériel génétique du coronavirus et confirmer ainsi le diagnostic de l’infection.

Ensuite, malgré les réserves exprimées sur la certitude de leurs résultats, les tests sérologiques automatisés de type ELISA (enzyme linked immunosorbent assay), et les tests sérologiques unitaires recherchent des anticorps liés au coronavirus dans le sang, qui déterminent si une personne a déjà été infectée. Mais à ce stade la  plupart de ces tests sont encore en cours d’évaluation.

Le Pr Arnaud Fontanet, épidémiologiste à l’Institut Pasteur a analysé leur fiabilité, « Il y a eu pas mal de désillusion avec les premiers tests proposés. Nos collèges espagnols et anglais en ont fait les frais. Ces tests vont s’améliorer,  J’ai assez bon espoir que courant mai, on ait des tests qui deviennent fiables ». La réalisation d’un diagnostic sérologique permet en effet la détection de la réponse immunitaire post-infectieuse humorale (détection des anticorps IgM, IgG et éventuellement IgA).

L’Académie de Médecine considère les tests rapides d’orientation diagnostiques (TROD) capables de détecter les anticorps à partir d’une goutte de sang en quelques minutes. « Toutefois,- précise-t’elle, ces différents tests sont toujours en phase d’évaluation par le Centre national de référence des virus des infections respiratoires, et leurs performances analytiques (sensibilité et spécificité) ne sont pas encore connues ».

Apparemment, avant d’envisager un dépistage à grande échelle, des questions doivent encore trouver réponse, notamment en ce qui concerne la durée de l’immunité et le degré de protection en fonction du taux d’anticorps. Il est néanmoins admis que la présence des anticorps IgM et/ou IgG dirigés contre le SARS-CoV-2 dans le sérum est le reflet d’une infection récente, et confère a priori une protection contre une nouvelle infection.

Didier Gamerdinger a déclaré que le gouvernement a choisi de « prendre du temps pour que les tests soient à notre niveau d’exigence ». En s’appuyant sur l’avis de la Croix Rouge Internationale, il a été décidé d’acquérir des tests Tord dont le taux de réussite est autour de 90%. Pour mettre en oeuvre cette politique, le gouvernement a acquis 50 000 tests, en sus des 20 000 tests qui sont disponibles au CHPG, et d’une commande de 60 000 tests. Cela porte à prés de 130 000 les tests qui seront disponibles pour les deux campagnes prévues à cet instant.

La première phase est destinée aux résidents à Monaco, elle est prévue pour durer une dizaine de jours, la seconde concerne les travailleurs non-résidents.L’acquisition de tests n’est pas sans problèmes puisqu’une commande de 11 300 tests en provenance de Chine, après versement d’un acompte, s’est avérée non conforme aux standards demandés – le coût réel de cette opération n’est pas connu.

Quels sont les objectifs de cette campagne? Exceptée la mise en place d’une cohorte de 1000 personnes, il ne peut  s’agir au plus que d’une étude épidémiologique qui donne une photo à l’instant T. Il serait en effet nécessaire, comme pour le personnel de la Maison-Blanche, de faire un test par jour pour pouvoir connaître de façon plus précise, ceux qui sont porteurs et ceux qui ne le sont pas.

Il faut également tenir compte du fait que, pendant une période évaluée de 1 à 5  jours, il est possible d’être contaminé, alors que dans le même temps les résultats des analyses réalisées avec le système Trod peuvent être négatifs. Durant ce laps de temps,  ces personnes à qui une information inexacte a été fournie  peuvent donc être en position de contaminer leurs proches.

A la question de savoir quels sont les objectifs de cette campagne inédite, Didier Gamerdinger  déclare « rassurer », avec l’objectif de « casser la chaine de transmission », de faire en sorte qu’une personne contaminée ne puisse pas transmettre le virus. La philosophie développée est de ne rien imposer, c’est donc sur le principe du choix laissé au libre arbitre de chacun.

Didier Gamerdinger a précisé qu’ il s’agissait aussi, au vu des résultats, de pouvoir avoir des éléments d’informations nécessaires pour enclencher la phase III du plan de déconfinage, initialement prévu pour début juin. Des pans importants de l’économie monégasque sont toujours à l’arrêt. Les restaurants, bars, salles de jeux, salles de sports, et hôtels sont dans l’attente à la fois de préconisation et surtout de dates d’autorisation de réouverture.

Peu de pays comme Monaco mettent en oeuvre une politique de tests de dépistage sur l’ensemble de leur population. Le Luxembourg pour un coût de 40 millions d’euros le fait aussi à partir du 19 mai avec une commande initiale de 600 000 tests, et un objectif d’environ 20 000 tests par jour, pendant un mois, pour ses 614 000 habitants.

À cet instant, il s’agit d’une politique volontariste qui, compte-tenu des spécificités du virus Covid-19, ne doit toutefois pas faire naître de faux espoirs. En l’état cela permettra d’isoler certaines personnes porteuses de covid-19, d’évaluer les personnes immunisées, de réaliser une étude épidémiologique. Mais en aucun cas une réponse pérenne n’est apportée aux risques sanitaires liés au Covid-19.

Jean Cousin