Culture, Monaco 10 décembre 2021

« Il Corsaro » à l’Opéra de Monte-Carlo

by Jean Cousin

L’Opéra de Monte-Carlo présente Il Corsaro, lors de deux présentations, les dimanche 12 décembre à 15 heures, et mardi 14 décembre à 20 heures. Cette oeuvre figure parmi les oeuvres de jeunesse de Guiseppe Verdi pour qui cette période était celle de « ses années de galère ». Après le formidable succès de Nabucco en 1842, le maestro crée seize opéras en dix ans, travaillant sans relâche pour satisfaire les nombreuses commandes des directeurs d’opéra désireux de répondre aux attentes d’un public enthousiaste.

Tout le monde réclame du Verdi, et les œuvres s’enchaînent à un rythme effréné jusqu’à La traviata en 1853. Afin de répondre à une commande de l’éditeur Lucca, Verdi compose Il Corsaro d’après le poème « The Corsair » de Lord Byron. Les passages les plus remarqués sont le prélude ou la scène de la prison et le trio final.

« La redécouverte des compositions de jeunesse de Verdi est un choix qui fait honneur à l’Opéra de Monte-Carlo »

C’est Massimo Zanetti, directeur musical de l’Orchestre philharmonique de Gyeonggi en Corée du Sud, qui supervise cette interprétation. Ces derniers mois, il a travaillé  avec l’Orchestre du Mozarteum de Salzbourg, l’Orchestre philharmonique royal de Stockholm, l’Orchestre de la Komische Oper et l’Orchestre symphonique de la Radio de Berlin, l’Orchestre symphonique Yomiuri au Suntory Hall de Tokyo, et ouvert le Festival Rostropovitch de Moscou avec l’Orchestre national de Russie.

Vous êtes venu à Monte-Carlo en décembre dernier pour diriger I due Foscari de Giuseppe Verdi en version de concert. Vous revenez cette année pour diriger Il Corsaro du même compositeur. Ces deux œuvres appartiennent aux années dites de « galère » du compositeur,  et donc très souvent négligées par les théâtres. Depuis des années, la direction artistique de l’Opéra de Monte-Carlo choisit de proposer ces œuvres rares, pourtant inoubliables. Avez-vous, vous aussi, un penchant particulier pour ces opéras de Verdi trop souvent victimes de préjugés ?

La redécouverte des compositions de jeunesse de Verdi est un choix qui fait honneur à l’Opéra de Monte-Carlo, choix également effectué ces dernières années par d’autres théâtres internationaux, au nombre desquels Monte-Carlo occupe sûrement une position prédominante. Plus qu’une préférence, je nourris un très vif intérêt pour ces compositions,  et il ne pourrait en être autrement pour deux raisons très simples : J’aime Verdi à la folie, dans toutes ses périodes créatives, et, en tant qu’interprète, il est de mon devoir d’étudier de manière profonde ses compositions, et d’essayer d’en tirer le meilleur, dans chaque circonstance et occasion. Il est sûr que l’on juge souvent les œuvres de la première période de sa vie artistique, souvent écrites dans des circonstances pas tout à fait idéales. Par exemple ici avec Il Corsaro, les rapports compliqués avec l’éditeur Lucca, qui commissionna l’œuvre, rendirent le processus créatif très difficile , – mais elles montrent déjà clairement des traits identificateurs du grand compositeur.
Dans I due Foscari (1844) on retrouve une tentative d’approfondir les traits psychologiques des personnages, ce qui était tout à fait inhabituel pour l’époque. Dans Il Corsaro, l’approche est plus vigoureuse, presque brutale et violente dans la description des sentiments : tentative peut-être de reproposer l’ardeur du drame de Byron dont le livret de Piave est issu.

Quelles sont pour vous les particularités de la partition ?
C’est comme un “laboratoire” pour moi, dans lequel je peux retracer plusieurs anticipations musicales et dramaturgiques de ce qui sera après le plus haut langage de Verdi, à partir de la Trilogie de Rigoletto, Il trovatore et La traviata. Les éléments sont tous là : je cite comme exemple certaines introductions orchestrales très belles de quelques mesures, mais déjà très représentatives des sentiments (comme l’introduction de l’air de Medora dans le Premier Acte); certaines mélodies descendantes qui seront aussi exprimées dans La traviata avec une ampleur majeure; des moments du chœur évocateurs et sûrement pas triviaux; ou encore la scène de Corrado en prison dans l’Acte III, qui nous propose des accents du Fidelio de Beethoven, mais qui anticipe clairement la scène analogue du Don Carlo. Le début de l’opéra en soi, c’est une telle explosion sonore qu’il ne peut pas ne pas nous faire penser à ce que Verdi saura transformer et développer avec le début d’Otello.
Nous devrons interpréter et aborder avec encore plus d’attention et de soin le langage musical, qui par moments pourra sembler simpliste et « codifié », de manière à pouvoir mettre en évidence au maximum les plus petites nuances. Dans ce travail j’ai la très grande chance de collaborer, pas seulement avec un cast renommé, mais aussi avec l’orchestre philharmonique de Monte-Carlo et le chœur de l’Opéra de Monte-Carlo, qui déjà dans I due Foscari m’ont profondément frappé pour leur très haut niveau artistique et interprétatif.

Que souhaiteriez-vous dire à notre public pour l’inciter à venir découvrir cette œuvre méconnue de ce grand compositeur ?
Si vous aimez Verdi…. mais pas seulement : si vous aimez l’opéra et le théâtre en général, ne manquez pas ce rendez- vous ! C’est un voyage de connaissance que nous ferons ensemble, en nous émerveillant des situations exprimées, des plus violentes aux plus tendres et intimes. Je suis sûr que nous pourrons ressentir ensemble les figures et les anticipations du langage élevé de Verdi qui, comme la plus grande littérature, nous ont aidés à comprendre les sillons les plus cachés de l’âme humaine.

Opéra de Monte Carlo

Dimanche 12 décembre 15 h et mardi 14 décembre 20h00. Réservations par téléphone au 98062828 ou par internet www.opera.mc