Monaco, News, Non classé 30 mai 2025

Les chiffres de la Sbm, entre paillettes et problémes de rentabilité structurel

by La Rédaction

 

La Société des Bains de Mer franchit un nouveau cap historique avec un chiffre d’affaires de 768 millions d’euros. Dans l’amphithéâtre du One Monte-Carlo, le président-délégué a détaillé une stratégie de montée en gamme assumée.

Une performance financière en demi-teinte

 

Mercredi 28 mai, c’est un Stéphane Valeri souriant qui s’est présenté devant la presse pour dévoiler les résultats de l’exercice 2024-2025 de la SBM. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : avec 768 millions d’euros de chiffre d’affaires, soit une progression de 9%. Le groupe monégasque signe la meilleure performance de son histoire. »Cette progression s’explique par une forte activité dans le Resort pendant la saison estivale et les fêtes de fin d’année, et une dynamique particulière pour notre offre d’hôtellerie », observe le dirigeant, visiblement satisfait de la trajectoire suivie depuis sa prise de fonction.La trésorerie nette positive, qui bondit de 68,9 millions à 186,3 millions d’euros, témoigne de la solidité retrouvée du modèle économique après les années difficiles post-Covid. Premier enseignement de cette conférence : l’hôtellerie s’impose définitivement comme le moteur de croissance du groupe. Avec 399,9 millions d’euros de revenus (+16%), ce secteur bénéficie d’une montée en gamme spectaculaire. Le chiffre qui retient l’attention ? Le prix moyen des nuitées atteint désormais 800 euros, « le plus haut qu’on ait jamais eu à la SBM », précise Stéphane Valeri. Cette stratégie tarifaire premium, loin d’être un plafond, pourrait encore évoluer. « Quand je vois les prix pratiqués à Courchevel, Paris, Londres, Rome ou New York, nous ne sommes pas si chers, nous avons encore une marge de progression », argue-t-il avec conviction.

Un

important travail de fond sur la restauration, mais la presse internationale n’a pas suivi sur le design des restaurants

 

L’excellence culinaire de la SBM a d’ailleurs été reconnue par le guide Michelin avec l’attribution de trois nouvelles étoiles. L’Abysse Monte-Carlo s’est particulièrement distingué en décrochant deux étoiles simultanément, tandis qu’Elsa au Monte-Carlo Beach en a obtenu une sous la houlette du chef Marcel Ravin. Au total, les établissements du groupe cumulent désormais dix étoiles Michelin.Paradoxe de cette réussite gastronomique : si la restauration contribue massivement à la croissance (+24% du chiffre d’affaires hôtelier), elle demeure le secteur le moins rentable. « Souvent, plus de cinquante pour cent du chiffre d’affaires est destiné à la masse salariale, à la bonne rémunération de nos employés, ce qui fait qu’on ne gagne pas d’argent, et on en perd quand même globalement dans la restauration », reconnaît Stéphane Valeri.L’ouverture du restaurant Amazónico en avril dernier et la réouverture de la brasserie Café de Paris fin 2023 ont largement contribué à cette dynamique positive. Un million de couverts servis sur l’exercice : le franchissement de ce cap symbolique illustre l’attractivité croissante de l’offre gastronomique monégasque.

En réalité un modèle économique où l’immobilier de location soutient tout l’édifice financier

 

Le secteur locatif confirme son statut de pilier financier avec 149,9 millions d’euros (+11%). Cette performance s’appuie sur la mise en location progressive des nouveaux espaces commerciaux du complexe rénové du Café de Paris et un taux de vacance quasi nul. Cette stabilité rassure dans un environnement économique incertain.Derrière ces chiffres record se cache une réalité plus complexe qui interroge sur l’évolution du modèle économique historique de la SBM. Car si le groupe affiche des performances exceptionnelles, force est de constater que ses activités de cœur de métier peinent à générer des profits significatifs. La restauration, pourtant vitrine gastronomique du resort et contributeur majeur à l’attractivité du site, demeure structurellement déficitaire. « Plus de cinquante pour cent du chiffre d’affaires est destiné à la masse salariale », reconnaît Stéphane Valeri, pointant du doigt un modèle social généreux mais économiquement fragile. Cette situation n’est pas nouvelle, mais elle s’accentue avec la montée en gamme : recruter et fidéliser les meilleurs talents culinaires a un coût que les recettes, même en hausse de 24%, ne parviennent pas à couvrir. Les dix étoiles Michelin, symbole d’excellence, masquent ainsi une équation financière déséquilibrée où le prestige prime sur la rentabilité immédiate. Cette stratégie, assumée par la direction, transforme de facto la restauration en un centre de coût au service de l’image de marque plutôt qu’en une source de profits directs. Le secteur des jeux, autre pilier traditionnel de Monaco depuis la création de la SBM il y a 160 ans, traverse lui aussi une période délicate. Avec un chiffre d’affaires en recul de 3% à 215,5 millions d’euros, cette activité historique souffre des contraintes réglementaires internationales qui ont contraint le groupe à refuser « plusieurs dizaines de millions d’euros » de mise. La compliance, devenue obsession des autorités financières, transforme progressivement les casinos en centres de coûts administratifs où l’essentiel de l’énergie se concentre sur la vérification de l’origine des fonds plutôt que sur l’accueil des joueurs. Cette mutation forcée interroge sur la viabilité à long terme d’un secteur qui fut longtemps la poule aux œufs d’or de la principauté. Paradoxalement, c’est l’immobilier – activité connexe mais désormais stratégique – qui assure l’équilibre financier avec ses 149,9 millions d’euros de revenus locatifs (+11%) et un taux de vacance quasi nul. Les boutiques de luxe du Café de Paris, les résidences hôtelières du One Monte-Carlo ou encore les bureaux premium génèrent des flux récurrents et prévisibles qui compensent l’érosion des métiers historiques. Ce basculement fait aujourd’hui de la SBM davantage un foncier de luxe qu’un opérateur de jeux et de restauration, remettant en question l’identité même de cette institution monégasque.