Un budget rectificatif remarquable

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Cette année 2020 est particulière pour le budget de l’Etat monégasque. La pandémie et le confinement en mars en ont changé la donne, alors qu’ initialement il était à l’équilibre. Les deux séances d’examen du deuxième budget rectificatif de 2020 ont été conclues par un vote à l’unanimité de celui-ci, et fait apparaître d’ exceptionnels revirements budgétaires.

Le point marquant de ces séances fut l’augmentation du budget à 1,6 milliard. Avec une progression sidérante des revenus  de l’Etat avec 285,5 millions de recettes exceptionnelles. Initialement une perte de recettes de 180 millions était envisagée, aujourd’hui 285,5 millions figurent en recettes supplémentaires. Pour rappel le premier budget rectificatif avait prévu une perte de recettes de 180 millions.

Pour parvenir à une réduction des budgets initiaux de fonctionnement, beaucoup d’efforts ont été accomplis.

Les premières annonces allant en sens furent faites lors de la première séance d’examen du premier budget rectificatif, avec l’annonce de la diminution des dépenses du palais.  Elles ont été réduites de 5,45 millions.

L’ensemble des autres postes budgétaires, sauf quelques exceptions comme les dépenses liées à l’Education nationale, ont participé à cet effort national.  Les dépenses de manifestation ont été réduites de 24 millions, les autres administrations et postes budgétaires ont vu leurs efforts osciller dans une fourchette moyenne de  0,5 % à 5 %  du budget initial.

L’enveloppe des trois cents cinquante huit millions, initialement prévue par le premier budget rectificatif, n’a pas été complètement dépensée. En recoupant les sources, il semblerait qu’environ 50 % de ce budget aurait été engagé à la fin du mois d’août. Le déficit à terme ne pourrait être que d’une centaine de millions, ou peut-être même équilibré.

Par contre pour le prochain budget, il y a de fortes chances qu’aucun revenu exceptionnel n’ apparaisse.

Alors que les débats de cette deuxième séance au Conseil national s’étiolaient, Marie-Pierre Gramaglia a annoncé qu’il existait des études sur un « métro » destiné à relier Nice à Monaco, une annonce surprenante en période de restriction budgétaire. Mais le point le plus important concerne le souhait du gouvernement de faire passer au plus vite les modifications sur les lois sociales, en particulier celles ayant trait à l’annualisation du temps de travail.
Le gouvernement et le ministre d’Etat Pierre Dartout ont initialement présenté le texte en urgence. En conséquence le Conseil national n’a que six jours avant le vote pour prendre connaissance du texte. Face à cette demande, le président du Conseil national a souhaité deux semaines de délai pour pouvoir en prendre connaissance.

Balthazar Seydoux, rapporteur du Conseil national, fut attentif au fait que « Le Conseil National est une Ressource, un Relai, un Médiateur parfois mais aussi dans l’esprit de la Constitution, une Institution qui Propose, Discute, Echange, Amende ou Apporte des idées d’ajustement pour que les politiques publiques, décidées et mises en œuvre in fine par l’Exécutif Gouvernemental, soient les plus efficaces possibles.« 

Dans un contexte où les interventions des conseillers nationaux furent sobres et rapides, les métaphores guerrières de Jacques Ritt lors de son intervention furent plus graves:  » Quelques mois se sont écoulés, et ce que nous espérions voir ressembler à une guerre éclair semble prendre le visage d’une guerre de tranchées. La période d’hiver qui se rapproche sera certainement difficile, comme elle l’est dans toutes les guerres de tranchées. Et, pas plus tard qu’hier dans le pays voisin, ont été énumérés les mesures de défense construites dans l’urgence pour résister à ce que l’on n’hésite plus à nommer une deuxième vague d’assaut. « 

Les accents de Stéphane Valeri firent eux aussi référence au dernier conflit mondial, « Nous allons voter ce budget avec la volonté de surmonter cette crise en pays modèle. Car justement notre modèle économique et social, nos moyens budgétaires, ainsi que la force de nos institutions unies, le permettent comme nulle part ailleurs.« 

Et plus particulièrement ces termes: « Je conclus mon propos ce soir en empruntant à cet exceptionnel homme d’Etat qu’était Winston Churchill, alors confronté à la guerre et à l’inexorable avancée des troupes ennemies en Europe, une citation qui m’est chère : « Agissez comme s’il était impossible d’échouer ». Il me semble modestement que c’est que ce que nous avons fait tous ensemble, Gouvernement et Conseil National, sous l’autorité du Prince Souverain, lors de ces trois séances publiques et par le vote de ce budget. Restons alliés et mobilisés, et nous sortirons ensemble vainqueurs pour le bien du pays, des Monégasques, des Résidents, des salariés et des acteurs économiques de Monaco. »

Par contre, en ce qui concerne le prochain budget, il sera intéressant de scruter les choix budgétaires définis par le nouveau ministre d’Etat. Car plus que jamais s’appliquent les termes de la feuille de route remis à Pierre Dartout le 6 septembre dernier: « La pandémie de la Covid-19, qui a surpris le monde entier, est venue rappeler la fragilité de nos équilibres dans maints domaines : sanitaires évidemment, mais aussi économiques et sociaux. Les forces de notre modèle économique et social ont permis à la Principauté de faire face à cette crise avec réactivité et efficacité. Notre pays, comme ceux qui l’entourent, est mis à l’épreuve pour une durée que personne ne connaît, ce qui impose une gestion rigoureuse des finances de l’État. »

La priorité est donc accordée à  » une gestion rigoureuse des finances de l’Etat « , la préoccupation majeure du souverain. Le deuxième budget rectificatif, tel que présenté par le gouvernement, en prend d’ores et déjà acte. L’élaboration du budget 2021 devra organiser un délicat équilibre entre les recettes envisagées, et les choix nécessaires pour limiter les budgets qui pourront apparaître comme non stratégiques pour la Principauté.

Jean Cousin