Monaco, News 23 janvier 2023

Le délicat rapport Moneyval sur Monaco

by Jean Cousin

Ce jour le rapport de Moneyval a été rendu public. Ce rapport évalue les luttes anti-blanchiment du Conseil de l’Europe.

Ce rapport résume les mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux, et le financement du terrorisme (LBC/FT) en Principauté de Monaco au moment de la visite sur place du 21 février au 4 mars 2022. Il analyse le niveau de conformité aux 40 Recommandations du Groupe d’action financière (GAFI), ainsi que le niveau d’efficacité du dispositif LBC/FT de la Principauté de Monaco, et émet des recommandations en vue de renforcer ce dispositif .

En première lecture, il apparaît qu’un satisfecit a été accordé à Monaco pour la collaboration de l’organisme en charge du contrôle monégasque, le Service d’Information et Contrôle sur les Circuits Financiers ( SICCFIN). Toutefois, l’avis général est globalement assez critique.

il est souligné que « Le SICCFIN souffre d’un manque notable de ressources humaines et technologiques.

 

Constitué de deux parties, le rapport en lui-même comprend onze points d’appréciation, notés suivant quatre classifications. Sur ces onze points, trois points reçoivent l’appréciation la plus faible, et huit sont analysés avec un niveau juste au-dessus, soit modéré.

Il y apparaît que des actions ont été menées pour satisfaire les normes internationales en la matière. Il y est aussi constaté que «  Monaco a entrepris des efforts ces dernières années pour améliorer l’efficacité dans le domaine du recouvrement des avoirs, qui ont conduit à une augmentation de l’application de mesures provisoires. Toutefois, le nombre de mesures de confiscation ordonnées reste très faible, et ne visent pas les biens de valeur correspondante ou les biens détenus par un tiers. Les résultats en matière de confiscation ne sont pas cohérents avec le profil de risque de BC <blanchiment des capitaux> de Monaco ».

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En outre, il est souligné que « Le SICCFIN souffre d’un manque notable de ressources humaines et technologiques. Malgré cela, il élabore des produits de type stratégique, qui constituent une source largement utilisée par les assujettis, notamment pour leur compréhension des risques de BC. Toutefois, certaines problématiques majeures (telles que les délais de soumission des DOS, ainsi que les risques relatifs au FT) n’ont pas fait l’objet d’analyse stratégique par le SICCFIN »

Le rapport Moneyval souligne donc la nécessité d’apporter des améliorations majeures concernant la transparence des personnes morales, ainsi que les enquêtes et les poursuites en matière de FT < financement du terrorisme>. Il souligne aussi la nécessité d’améliorations fondamentales pour renforcer l’efficacité de la supervision, des enquêtes et des poursuites en matière de BC et de la confiscation des produits du crime. Il est cependant reconnu le travail considérable entrepris par Monaco dans l’identification des risques de BC/FT. Si les résultats obtenus permettent une certaine compréhension des risques pour un nombre de secteurs, des approfondissements sont nécessaires quant à d’autres (casinos, prestataires de services aux sociétés, trusts et actifs virtuels).
Enfin, une analyse plus approfondie de la menace, notamment en lien avec la criminalité organisée et les menaces externes de BC, apparaît nécessaire.
Des inquiétudes demeurent en effet en considération du très faible nombre de condamnations obtenues, et du nombre encore plus réduit de mesures de confiscation ordonnées, dont aucune ne concerne des biens de valeur équivalente ou des biens détenus par des tiers. Le rapport parvient à la conclusion que Monaco doit intensifier ses efforts pour identifier et prioriser les affaires de BC, saisir, confisquer et recouvrer les produits du BC et des infractions sous-jacentes.

La position du gouvernement dans son communiqué de presse n’évoque pas de manière précise le contour des moyens et des décisions qui seront mis en oeuvre

 

En ce qui concerne le secteur privé, MONEYVAL note que les obligations en matière de LBC/FT sont appliquées dans une certaine mesure. Le nombre de déclarations de soupçons (DOS) émanant du secteur bancaire peut être considéré comme assez satisfaisant, bien que le volume important de déclarations dites « de couverture » ainsi que les délais de transmission excessivement longs soulèvent des questions quant à la qualité des informations fournies. Les entreprises et professions non financières désignées (EPNFD) possèdent une moins bonne compréhension des risques de LBC/FT et une culture de conformité moindre. Le nombre de DOS émanant des casinos et des bijoutiers demeure limité, alors que ces secteurs présentent une importance particulière dans la Principauté.
Il est aussi relevé des lacunes majeures dans l’obtention des informations sur les BE. Les mesures d’atténuation appliquées sont insuffisantes quant aux catégories de personnes morales à haut risque et aux organismes à but non lucratif. La plupart des sanctions applicables ne sont pas dissuasives et sont rarement imposées.
Des améliorations majeures sont nécessaires pour renforcer l’efficacité de la Principauté en matière de coopération internationale. Monaco recherche généralement la coopération de ses homologues, bien que cela ne soit pas entièrement adapté à ses risques et son contexte. Les autorités de poursuite pénale exécutent les demandes de manière satisfaisante, malgré l’existence des obstacles législatifs systémiques et atypiques entravant l’octroi d’entraide judiciaire par Monaco. En ce qui concerne l’extradition, l’interprétation restrictive des tribunaux du principe de double incrimination entraîne le refus d’une demande sur deux.
La position du gouvernement dans son communiqué de presse n’évoque pas de manière précise le contour des moyens et des décisions qui seront mis en oeuvre. En effet le ministre d’Etat Pierre Dartout déclare: « En ligne avec la vision du Prince Albert II qui veut que Monaco soit exemplaire en matière d’éthique, de transparence et de lutte contre le blanchiment, la Principauté est déterminée à poursuivre la mise en œuvre des recommandations de MONEYVAL afin d’être en conformité avec les normes internationales les plus exigeantes au terme de la période de suivi de douze mois. Cette exemplarité dans la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme est essentielle pour Monaco en termes de raison d’être et d’attractivité. Nous allons donc poursuivre et amplifier notre action. La Principauté a les capacités et les ressources pour atteindre le meilleur niveau dans les délais prescrits ».
Nous avons souhaité connaître si des moyens plus importants allaient être mis en oeuvre pour soutenir l’action du SICCFIN, mais, à cet instant, nous n’avons pas eu de retour.