Conjointement réalisé par le Cabinet August Debouzy et la sociéte Accuracy, ce rapport peut être consulté sur le site du gouvernement monégasque. Cette étude prospective importante destinée au gouvernement princier se présente comme l’évaluation approfondie et objective de la situation, selon leurs auteurs. Elle révèle les éléments d’appréciation sur les décisions à venir quant à l’intégration ou non de la principauté monégasque au sein de l’Europe, et les conséquences pour son économie.
Plusieurs tendances financières s’en dégagent et éclairent les conséquences d’une adhésion de la Principauté à l’Europe. En voici les grandes lignes :
La difficulté de l’étude prospective d’avoir une réelle capacité à se projeter concrétement
Elles relèvent de la prospective économique et sont dépendantes d’un grand nombre de facteurs politiques, juridiques et macro-économiques en dehors des considérations de l’Accord lui-même. A titre d’illustration, certaines hypothèses de croissance que nous avons prises sont dépendantes de la mise en place d’une politique industrielle dans la Principauté.
Des principes européens très difficiles à intégrer en Principauté en l’état actuel
Ainsi, la Commission tient fermement à ce que l’Accord consacre la mise en œuvre des quatre libertés, considérées comme indivisibles, telles que définies par le droit de l’Union Européenne, que sont la libre circulation des marchandises, des personnes, des services et des capitaux ; elle se montre très ferme dans l’exigence d’un traitement égal entre les opérateurs économiques et les citoyens au sein de l’association, quelle que soit leur nationalité ; elle souligne la nécessité d’une reprise quasi exhaustive de l’acquis communautaire.
Une souveraineté atténuée car européenne
Les « lignes rouges » définies par le Souverain (qui visent à garantir aux Monégasques de pouvoir continuer à vivre, se loger et à travailler chez eux) se traduisent par des dispositifs et des procédures, notamment en matière d’accès à l’emploi (priorité d’emploi dans les secteurs public et privé, accès à certaines activités réglementées ou surreprésentées) et d’accès au logement (plus particulièrement le secteur domanial de Monaco, réservé aux Monégasques).
De nombreuses dispositions existantes du droit monégasque qui encadrent l’accès à l’activité économique pour les non- ressortissants Monégasques se verraient remises en cause. En particulier, les préférences, et a fortiori les exclusivités, accordées aux ressortissants monégasques pourraient être compromises à terme, voire pour certaines d’entre elles dès l’entrée en vigueur de l’Accord d’association.
Des conséquences avec à terme des restrictions sévères des prérogatives actuelles
Il paraît peu probable que puissent être maintenues les règles réservant aux seuls ressortissants monégasques l’accès à certaines activités ou professions. Tout au plus, mais sans certitude compte-tenu de la grande rareté, voire de l’inexistence, de précédents d’admission de dérogations au principe de non-discrimination en raison de la nationalité, certaines dérogations temporaires, et non permanentes, pourraient être obtenues pour permettre une adaptation progressive des professions concernées.
Un Contrôle bancaire possiblement préservé
S’agissant du domaine financier, les autorités monégasques seraient fondées à garder leurs pouvoirs de contrôle mais en agissant sous la supervision des autorités européennes. Pour le secteur bancaire, déjà juridiquement intégré dans le cadre légal et règlementaire français –et à ce titre soumis au contrôle de l’ACPR–, on peut penser que l’Accord d’Association ne se traduirait pas par des changements significatifs. L’Accord pourrait ainsi se borner à rappeler la répartition des pouvoirs des institutions de l’Union en charge du secteur bancaire : Autorité Bancaire Européenne (ABE) et Banque Centrale Européenne (BCE) au niveau de l’Union, mais ACPR pour le contrôle effectif des établissements monégasques, le pouvoir de cette Autorité nationale française sur ces établissements de la Principauté se justifiant par la taille limitée des établissements bancaires établis en Principauté.
Une projection de l’étude prospective totalement hypothétique
En cas d’accord, un choc initial de compétitivité induit une moindre croissance de l’économie monégasque. Même si celui-ci est atténué par la poursuite de la déclinaison sur encore quelques années d’une politique immobilière ambitieuse, politique elle-même non impactée par un Accord. Dans un deuxième temps, une accélération progressive de la croissance, rendue possible par la transformation de l’économie, avec la montée en puissance des secteurs qui bénéficient de l’ouverture sur l’extérieur facilitée par l’Accord.
Au final, ce rapport ne semble pas prendre en compte l’extrême complexité de la situation de la Principauté.
Toutefois, le rapport est construit de telle manière qu’il suscite aussi des interrogations sur la réalité des projections financières. Après la Covid, l’économie mondiale se trouve plongée dans une zone d’incertitudes, liée à une opération spéciale selon Moscou, en réalité une guerre qui, si elle est actuellement circonscrite à l’Ukraine, serait de nature à engager un conflit plus important. Dans un tel contexte international, est-il nécessaire de s’engager dans une direction où l’on sait ce que l’on perd, mais pas vraiment ce que l’on gagne?
Jean Cousin
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