L’ émule d’ Emile est un ouvrage impertinent qui fait appel à la mémoire. Le citoyen-lecteur y est en effet constamment soumis à un flux d’informations en provenance des médias, dans lesquelles les hommes politiques sont au premier rang et sur lesquelles Serge Petitdemange s’exprime avec pugnacité, puisqu’il nous transmet tous les courriers qu’il adresse aux plus hautes instances de la République pour témoigner de dysfonctionnements ou soumettre des voies de réformes. Un rythme intense et une dynamique ascendante dans le choix des sujets entraine dans les nombreux rebondissements de la vie politique française.. Un ensemble d’ affirmations, de prises de positions qui peuvent sembler péremptoires, des convictions, une indéniable aptitude à réagir sur l’instant, et une connaissance de la Constitution présentée arec une percutante pertinence . Mais lorsque le lecteur revient sur les faits évoqués, quelques années plus tard , le constat est surprenant. La parole du politique n’est plus d’airain, et les engagements de jadis, confrontés à leur réalisation, sont exposés à une analyse renouvelée.
C’ est là peut-être la qualité essentielle de l’émule d’ Emile: sa capacité à favoriser l’interrogation et la réflexion du lecteur, et pour cela le titre n’y joue pas le moindre des rôles. Car ce livre n’est pas seulement le résumé de plus de 30 ans d’engagement du fondateur de l’association « Zen et Courtois ». Serge Petitdemange se place sous l’égide de Jean-Jacques Rousseau et du fils spirituel de ce philosophe, Emile. Tout comme ce traité de pédagogie l’ouvrage s’est construit sur des réflexions anciennes et une abondante documentation. Tout comme cet ouvrage certaines prises de position ne peuvent laisser indifférent, voire même révolter. Toutefois en se référant à Emile, Serge Petitdemange revendique-t’il pour lui le portrait que dressa Jean-Jacques Rousseau de son héros au livre III ? « Emile est laborieux, tempérant, patient, ferme. » Le ton et les combats menés dans le livre ne démentent point cette filiation de plume. Et lorsque les propos deviennent véhéments, rien n’empêche d’évoquer cet autre analyse de Rousseau: « Emile a peu de connaissances, mais celles qu’il a sont véritablement siennes, il ne sait rien à demi. Dans le petit nombre des choses qu’il sait, et qu’il sait bien, la plus importante est qu’il y en a beaucoup qu’il ignore et qu’il peut savoir un jour, beaucoup plus que d’autres hommes savent et qu’il ne saura de sa vie, et une infinité d’autres qu’aucun homme ne saura jamais. »
En se posant comme l’ émule d’Emile, l’auteur place ses réflexions et ses engagements non seulement dans l’actualité de la cinquième République, mais aussi dans un contexte qui mêle l’esprit des Lumières, une figure philosophique qui déclencha autant l’enthousiasme que les polémiques, et un appel à refonder l’esprit de la république. Une entreprise pas si fréquente. A lire et à décrypter.
Dominique Grimardia
L’émule d’Emile, Serge Petitdemange, Editions du Panthéon, 424 pages.
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