Monaco, Politique national 14 septembre 2021

Les Enjeux complexes et importants de la loi n° 1043 au Conseil National

by Jean Cousin

Ce soir au Conseil National, le projet de loi n° 1043 sera mis au vote . Il définit le cadre des vaccinations obligatoires pour le personnel médical et  certaines catégories de personnes en contact avec le public. Dans la gestion de la pandémie qui a nécessité de nombreux aménagements, un volet plus coercitif apparaît ces dernières semaines.

Parallèlement, la mise en œuvre d’un pass sanitaire a généré un mouvement de protestation rarement vu à Monaco. Les conséquences de cette vaccination de masse ne sont pas à ce jour totalement cernées. C’est en ce sens qu’une partie des oppositions se figent. Il est certain que lorsqu’une loi implique une obligation de vaccination, pour des vaccins qui n’ont pas obtenu les autorisations définitives de mises sur le marché, l’enjeu est important.

Car même avec près de 3,5 milliards de personnes vaccinées au niveau mondial, il est à noter que les autorisations de mise sur le marché ne sont pas devenues définitives, en Europe en particulier. À Monaco, dans le cadre de cette loi, les échanges entre les différentes parties prenantes ont conduit à un certain nombre d’amendements, mais le principe de l’intérêt général s’est imposé.

Un amendement novateur

 

L’un des amendements est particulièrement novateur: « Sans préjudice des actions qui pourraient être exercées selon le droit commun, l’État supporte la réparation de tout dommage imputable directement à toute vaccination contre la COVID-19, régulièrement effectuée sur le territoire monégasque, d’une personne mentionnée à l’article premier. Jusqu’à concurrence de l’indemnité qu’il a payée, l’État est, s’il y a lieu, subrogé dans les droits et actions de la victime contre les responsables du dommage ». Cette disposition est importante, et Monaco est le seul État à l’avoir prise

L’avis du Haut Commissariat à la Protection des Droits

 

L’avis du Haut Commissariat à la Protection des Droits s’attache, à défaut d’avis médical, à rappeler, dans un avis rendu le 2 septembre, le respect des droits et libertés, lesquelles doivent être ‘ proportionnées aux risques courus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu’ et prendre fin ‘immédiatement… dès lors qu’elles ne sont plus nécessaires’.
Le rappel de la loi numéro 882 du 29 mai 1970 indique un précédent, mais il est à noter que lors de la promulgation de cette loi pour la diphtérie, le tétanos, et la poliomyélite, les effets secondaires de ces vaccins étaient parfaitement documentés.
Par rapport aux positions gouvernementales, des nuances importantes sont évoquées. En priorité, l’inaptitude et la perte de rémunération sont a écartées de toutes applications de la loi future.
Les conditions de l’application de mesures coercitives doivent être soumises à une réflexion de nature à écarter la prise en charge exclusive du personnel. Fort logiquement, il est demandé que la période de quatre semaines soit prolongée de deux semaines, et qu’elle soit limitée dans le temps. Ces éléments conduisent le Haut Commissariat à recommander au Conseil National d’amender l’article 5 en conséquence.

Les positions du rapporteur Christophe Robino et des syndicats

 

Pour Christophe Robino, les positions sont plus tranchées. Un point important est la vulnérabilité de la population face aux Covid-19 et à ses variants. Le postulat de base est établi, la position est ainsi définie:  » C’est la raison pour laquelle le Conseil National a parfaitement admis l’opportunité d’un tel projet de loi, tout en déclarant, dès son dépôt, sa volonté s’affiner le dispositif d’obligations et de sanctions prévu par le gouvernement de manière plus humaine et équilibrée. »

L’appréciation de la situation diffère totalement pour le SAH-Union Solidaire, pour lequel il n’est pas possible de soutenir ce projet de loi. Des demandes d’amendements ont été faites pour que le licenciement d’ un agent présentant une contre-indication à la vaccination COVID ne soit pas possible. De même, pour ce syndicat, il est nécessaire de conforter la position du médecin du travail pour vérifier l’état vaccinal du personnel, et éventuellement porter une aptitude ou une inaptitude en rapport à celui-ci.  Son indépendance doit être renforcée, de même des recours doivent être proposés en cas de désaccord. Il est aussi nécessaire de prévoir des dispositions qui obligent l’employeur à maintenir le salaire de l’agent dans son intégralité, et, le cas échéant,  une reconversion dans des emplois réservés par la loi, en attendant la fin de l’obligation vaccinale, voire même des facilités de départ à la retraite anticipée pour les agents en fin de carrière. Ces points ont été en partie repris dans la dernière version du projet de loi.

D’autre part, le SAH-Union Solidaire souligne que « Tant que les vaccins seront en phase expérimentale, il ne peut y avoir d’obligation vaccinale puisque le consentement éclairé doit rester la règle ».

Pour Christophe Robino « le Conseil National a parfaitement admis l’opportunité d’un tel projet de loi, tout en déclarant, dès son dépôt, sa volonté d’affiner le dispositif d’obligations et de sanctions prévu par le Gouvernement de manière plus humaine et équilibrée ».

Lire aussi : https://www.forks-monaco.net/etat-de-la-vaccination-a-monaco-debut-septembre/
Le Rapporteur tient à rappeler que le Conseil National a « en accord avec le Prince Souverain et le Gouvernement la date du 14 septembre a été retenue pour l’organisation de la présente Séance publique… pour étudier ce projet de loi de manière équilibrée, et responsable ».
Pour le syndicat des Agents de l’État, cette loi, dans son écriture à la veille des débats au Conseil National, se caractérise par des dispositions contre-productives et un blanc-seing accordé au pouvoir exécutif. Pour ce syndicat, il existe’ de nombreuses dispositions discriminantes au regard de la recommandation expresse de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe au 7.3.2 de la résolution 2361.

Ainsi, l’obligation envisagée s’accompagne de dispositions antisociales pour qui, en son âme et conscience, ne voudrait pas s’y soumettre. Cette obligation vaccinale, en marge de la loi n° 882 du 29 mai 1970, ressemble donc fort à une « vaccination forcée », très éloignée de l’acceptation souhaitée par l’Assemblée du Conseil de l’Europe, soucieuse du respect des droits de l’Homme tout autant que du souci de la protection de la santé publique. Les conséquences sur la vie du salarié atteint dans son intimité ou – en cas de démission – dans ses moyens d’existence seraient lourdes de conséquences, y compris pour la collectivité privée de personnels formés et compétents. Les syndicats s’interrogent en outre sur la place accordée dans le texte aux décisions du pouvoir exécutif.

Dorénavant La question porte sur le recours, compte tenu de l’opposition frontale des syndicats à la quasi-totalité des articles du projet de loi 1043,  au Tribunal Suprême de la Principauté de Monaco. Sa décision est fortement attendue pour déterminer le juste équilibre entre les choix personnels et l’intérêt général.

Jean Cousin

Lire aussi: https://www.forks-monaco.net/au-coeur-des-zoonoses-part-2/